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Article mis à jour le 8 février 2023

Diverses études pointent que la majorité des projets de changements se solderaient par un échec : une étude Mac Kinsey, par exemple, évoque un taux d’échec de 70% ! Une des raisons de ces échecs serait attribuée à cette fameuse résistance au changement. Ce qui donne lieu à des intentions managériales nombreuses en vue de tenter de limiter cette résistance pour la réussite des projets. La littérature managériale et académique est nombreuse et foisonnante à ce sujet, avec des approches très variées ! Comment s’y retrouver ? Et comment agir au mieux ? Je vous propose dans cet article de nous pencher sur plusieurs définitions et approches, et de les enrichir au d’expériences terrain menées lors de mes accompagnements. Au menu : prendre du recul et en tirer des enseignements, des bonnes pratiques et des points de vigilance.

La résistance au changement : des définitions multiples

Il s’agit d’un concept ancien. Dès 1948, des définitions sont posées : « la résistance au changement traduit la capacité des individus d’entraver les projets de réforme dans lesquels s’engage l’entreprise » (Coch et French, Lewin). « Elle renvoie à une variété de comportements comme le déni, l’indifférence, le rejet, la rumeur, l’obéissance aveugle, le refus, l’argumentation, la contestation, l’opposition, la répression, la grève, le sabotage… » (Bareil, in Soparnot). Selon une définition de Pierre COLLERETTE, Gilles DELISLE et Richard PERRON, , elle « représente l’expression implicite ou explicite de réactions de défense à l’endroit de l’intention de changement, il s’agit de l’émergence de nouvelles forces restrictives en vue de limiter la tentative de changement ou d’y faire obstruction ».

Les approches ne sont pas toujours négatives : d’autres chercheurs précisent qu’elle représente une fonction essentielle dans l’entreprise, celle d’éviter les transformations et réorganisations superflues ou encore les éléments improductifs dans la conduite du processus (Ford et D’Amelio, Jagger).
Des explicitations qui peuvent sembler parfois restrictives sont rencontrées, quant à l’origine du phénomène, dans le domaine marketing par exemple : « Motivée le plus souvent par la crainte de la perte d’acquis, la résistance au changement (…) peut constituer un frein à l’introduction de nouveaux produits. »

Des outils d’analyse sont largement diffusés, comme la « courbe du changement », également appelée « courbe du deuil ». Elle renvoie à la détection des étapes d’éventuelles résistances au sein des organisations : Déni / Colère / Négociation / Dépression / Acceptation / Exploration / Adhésion / Engagement.

Les recommandations en termes de conduite du changement sont nombreuses et variées et loin d’être homogènes ! Comment s’y retrouver et surtout qu’en retenir ?

L’auteur Richard Soparnot, dans ses travaux, pointe les limites des diverses recommandations émises sur la résistance : selon lui, elles sont souvent isolées, pas nécessairement incluses dans une stratégie et ne s’intéressent pas toujours aux sources ! Or pour agir, comprendre les causes est essentiel.

 En « comprendre les sources » au lieu de « lutter contre » 

Richard Soparnot, dans ses travaux de recherche, s’est penché sur cette question et synthétise les 6 principaux facteurs de résistance au changement observés :

  • La résistance psychologique / l’anxiété : lorsque le changement remet en question des repères qui offraient une stabilité psychologique rassurante
  • La résistance identitaire / la relation que l’individu entretient avec l’entreprise : le changement peut provoquer une remise en cause profonde de l’identité de la personne en modifiant la nature de la relation qui la lie à l’organisation
  • La résistance politique / les jeux de pouvoir : les individus ne perçoivent dans le changement un danger que lorsque celui-ci met en cause les conditions de leur jeu, leurs sources de pouvoir et leurs libertés d’action en modifiant ou en faisant apparaître les zones d’incertitude qu’ils contrôlent.
  • La résistance collective / l’influence du groupe : le groupe détermine chez l’individu ce qui est bien et mal, ce qui est souhaitable et non souhaitable, le changement peut se heurter à ce système et briser l’équilibre créé par les normes.
  • La résistance culturelle / la culture d’entreprise : le changement véhicule parfois des valeurs qui divergent avec celles de l’organisation. Les individus peuvent alors combattre ce qui met en danger ce en quoi ils croient profondément
  • La résistance cognitive / les connaissances et compétences des individus : Le changement impose de faire un apprentissage de techniques et de méthodes nouvelles. Celles-ci ne se décrètent pas mais se construisent bon gré mal gré dans l’action. De plus, les acteurs n’ont parfois pas les qualifications et les compétences pour effectuer ce qui leur est demandé.

En plus de l’identification des 6 types de résistance, Une typologie des stratégies de conduite du changement a été réalisée dans ses travaux : la stratégie hiérarchique avec une transformation imposée et planifiée, la stratégie de développement organisationnel avec une démarche centrée sur les perceptions du changement par les acteurs concernés, la stratégie politique avec la pluralité des acteurs et la divergence des intérêts, la stratégie historique avec le poids des décisions passées, de la culture, la stratégie symbolique avec le sens et les significations dans le processus de modification. Les effets des stratégies différeraient selon les sources de résistance.

Ces travaux invitent à adopter une démarche d’analyse et de compréhension du contexte et des sources de résistance pour adopter la conduite du changement la plus adaptée, avec un ensemble de points de repère.

De façon complémentaire à cette approche intéressante, et avec un autre regard, celui de l’ergonomie et l’approche des situations de travail, une des causes est l’impact du changement sur le travail, son efficacité, ses modalités. Et si la résistance était justement une occasion, voire une opportunité, pour améliorer le travail et la conduite de projet ?

À titre d’exemple, dans le contexte actuel de développement du télétravail, il est nécessaire de repenser les méthodes de travail grâce notamment au management hybride.

Faire de la résistance au changement une opportunité d’agir sur le travail

Papier où il est écrit Impossible symbolisant la résistance au changement

Dans mes interventions, à de nombreuses reprises, lorsque les managers précisent « ils résistent au changement », cela m’amène à me mettre en posture de compréhension et de recherche de causes, avant même de commencer à travailler sur des pistes d’action. Cela semble du bon sens, mais ce n’est pas toujours mis en œuvre dans la réalité.

Identifier les causes de la résistance

Dans plusieurs cas concrets, j’ai été sollicitée suite à des remontées de plaintes ou bien des situations où le projet d’évolution était contourné par les salariés.

C’était par exemple le cas dans deux structures où des projets soit de dématérialisation (numériser du papier pour passer ensuite en gestion électronique de document) ou de digitalisation (transformer tout un processus en processus numérique) ont été mis en place.

Dans le premier cas, des contrôles effectués par le passé sur papier passaient en contrôle sur tablette, avec le constat pour la direction que les salariés continuaient sur le terrain à utiliser le papier pour saisir leurs données sur la tablette le soir une fois rentrés chez eux. Dans l’autre cas, des supports arrivant en numérique et devant être traités directement sur ordinateur, sont en fait imprimés et scannés ensuite, au grand désespoir des managers.

Ces deux exemples illustrent un contournement du changement, vu comme une résistance par les managers, qui s’attacheront alors à essayer de « convaincre » par un discours les individus, ou sanctionner, sans forcément essayer d’en rechercher la cause.

En suivant les salariés sur le terrain, et en échangeant sur les situations concrètes pour en comprendre les causes, il s’est avéré que la transformation menée n’était pas totalement adaptée au travail « réel », tel qu’il se déroule sur le terrain : une base de données non optimale, une interface de logiciel qui ne respecte pas les étapes concrètes de travail, des ralentissements importants qui font perdre beaucoup de temps, des tailles d’écran inadaptées avec la nécessité de jongler entre 3 applications différentes ouvertes, etc. Cela amène à des inefficacités, des non-sens, des pertes de temps, etc. Finalement, ce contournement, cette « résistance », dans ces situations correspond plutôt à une stratégie pour continuer à travailler « le plus efficacement possible compte tenu des contraintes » et atteindre les objectifs dans le délai imparti.

Une des raisons de cette situation : le manque d’anticipation sur les besoins et impacts concrets sur le terrain et le manque d’implication en amont de ceux qui font le travail. Un aspect essentiel pour détecter ces aspects est la posture de recherche de cause et de compréhension, et non pas la posture de recherche d’un coupable.

Accompagner le changement

Une piste d’action et principale recommandation afin d’agir est de placer le travail au cœur des démarches de conduite du changement :

  • Associer les salariés le plus en amont possible : travailler en équipe avec des rôles définis pour chacun
  • Identifier les situations de travail amenées à être impactées et les décrire, avec leurs contraintes et ressources
  • Anticiper quels seraient les impacts d’une transformation ou évolution sur le travail concret de demain et ajuster et imaginer la future organisation en conséquence
  • Identifier les besoins en formation / accompagnement, accompagner le développement des nouveaux usages dans la durée
  • Réaliser des retours d’expériences participatifs avec les équipes pour ajuster le projet.

L’ensemble de cette démarche est décrite dans le guide « 10 questions sur la conduite des projets de transformation », édité par l’Anact et que je recommande.

Le travail est encore trop souvent le grand absent des démarches de conduite du changement, or c’est un axe essentiel de réussite et d’engagement des équipes dans le projet ! Plus il est pris en compte en amont et plus vous agissez en prévention sur les phénomènes de résistance au changement.

Et si ces phénomènes se présentent, faites-en des opportunités pour améliorer les situations et votre conduite de projet.

Et vous, quelles leçons et enseignements tirez-vous de vos conduites de projet ?

Sources :

« Les effets des stratégies de changement organisationnel sur la résistance des individus », Richard Soparnot Dans Recherches en Sciences de Gestion 2013/4 (N° 97), pages 23 à 43

Pierre COLLERETTE, Gilles DELISLE et Richard PERRON – « Le changement organisationnel : théorie et pratique » – Presses de l’Université du Québec – Québec – 2008

10 questions sur la conduite des projets de transformation par l’ANACT

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